"Lo pagel es fin,
n'a de grossièr que l'abit..."

vendredi 1 mai 2020

La Malédiction - Nouvelle de confinement -



Nouvelle

Alain Charre
Avril 2020






L’enveloppe ne contenait rien d’autre que la convocation à une assemblée générale extraordinaire. Simple oubli ? le formulaire de délégation de pouvoir n’était pas joint au courrier. « Avenir de l’espèce » : l’ordre du jour, laconique, ne manquait pas d’interroger les académiciens.

Le secrétaire pris une trique et frappa le pupitre à plusieurs reprises en exigeant le silence au sein de l’assemblée.
Les derniers murmures s’estompèrent, alors la Doyenne ouvrit la séance d’une voix solennelle :

– Chers collègues, si vous êtes ici ce soir, c’est que la situation est grave, l’avenir de notre espèce est en jeu… Le Président du Conseil m’a transmis le dernier rapport de l’Institut de la statistique relatif à la démographie et ses prévisions pour la décennie à venir sont alarmantes. En voici la conclusion :

« En absence de toute mesure de protection, la population va continuer de s’effondrer, notre espèce est en danger critique d’extinction. »

Bien sûr, dans l’immédiat, cette information ne sera pas rendue publique ; le Président attend nos propositions de solutions avant d’intervenir à la télévision.

Comme vous le savez, depuis des millions d’années, notre espèce a dû faire face à toutes sortes de fléaux. Nous ne devons notre survie qu’à la capacité d’évolution dont ont su faire preuve nos ancêtres. Aujourd’hui, un nouveau défi se présente et nous sommes rassemblés dans cette clairière pour tenter de trouver la solution qui nous sauvera… De notre réflexion viendra le salut. Vous avez la parole.

Un long silence se fit, l’assemblée des pangolins était glacée d’effroi.

On commença par évoquer les causes de la baisse démographique. Les pangolins étaient victime de la chasse. Le sabétou était son principal prédateur ; tout d’abord, il les tuait pour se nourrir. En potage ou en ragoût, sa chair était jugée savoureuse. Un critique gastronomique affirmait : « C’est braisés dans la sauce soja qu’ils ont le meilleur goût ! » Par ailleurs, les pangolins étaient chassés pour l’élaboration de divers remèdes. Les sabétous étaient persuadés que ses écailles avaient des vertus curatives ; elles étaient supposées augmenter la virilité, traiter les problèmes cardiaques, soulager les rhumatismes… enfin, sa bile était sensée améliorer la vue.

Ceci exposé, les membres de l’Académie pangoline formulèrent leurs premières propositions, afin tenter de mettre un terme à cette malédiction.

Il y a cinq millions d’années, nous avons su nous couvrir d’écailles pour nous protéger des prédateurs, évoluons une nouvelle fois, rendons notre chair infecte et les sabétous nous laisseront tranquilles…

Oui, mais ils sont capables de nous chasser juste pour nos écailles ; ils pêchent bien les requins pour leurs ailerons ; après mutilation, ils les rejettent à la mer et les laissent à l’agonie ; il faut que nous nous débarrassions aussi de nos écailles…

Ça ne résoudra pas le problème, quand ils ont une idée en tête rien ne leur résiste, ils sont capables de nous transformer en aliment pour animaux… Et de toute façon, une évolution darwinienne prendrait trop de temps, nous sommes dans l’urgence…

Les propositions fusaient de toutes parts, même les plus loufoques :

Munissons-nous du système de neutralisation des billets de banque des sabétous ; en cas de capture nous pourrions disposer d’une ampoule qui se romprait automatiquement et nous aspergerait d’encre empoisonnée…

– Un peu compliqué à mettre en œuvre et je n’ai pas envie de me transformer en schtroumpf accidentellement !

Il se faisait tard, la Doyenne proposa de reprendre la séance le lendemain, tout en suggérant aux sociétaires de réfléchir à de nouvelles propositions.

À la reprise de séance, un académicien, du nom de Mac Lavel, prit la parole :

– Chers collègues, je sais que ma proposition va heurter votre philosophie animaliste, mais compte tenu de l’urgence de la situation, je propose que nous propagions un virus chez nos prédateurs, suffisamment agressif pour les dissuader de nous approcher à l’avenir. Nous en avons conservé au Musée des sciences, qui pourraient avoir des effets chez les sabétous. Quand ils s’apercevront que nous en sommes porteurs, nous serons tranquilles pour un moment et nous aurons un peu de temps pour préparer des  moyens de protection de long terme.

La proposition entraîna un flot de réactions :

- Il n’est pas animal de transmettre sciemment une maladie à un être vivant !

– Qu’est ce que tu proposes, tu préfères te faire découper l’écaille ? Nous avons été tolérants jusqu’ici, le résultat est que nous sommes au bord de l’extinction ; ils nous prélèvent de plus en plus jeunes, avant même que nous ayons eu le temps de nous reproduire…

– Notre morale n’est pas absolue, notre nourriture se compose bien d’êtres vivants, de fourmis, de termites… même si nous ne prélevons que ce qui est indispensable pour vivre…

– Le pangolin a toujours été pacifiste et paisible, cette action serait contre nature…

– Faut-il être pacifiste au point d’accepter notre génocide sans combattre ?

– Et la morale des sabétous, parlons-en… tel Midas, ils courent après tout ce qui brille, se souciant peu de la survie des espèces, y compris de la leur… Elle est où leur morale ? Ils ne cessent de s’entretuer. Il y a 2000 ans, un de leurs guides spirituels s’est sacrifié pour leur montrer la voie de la sagesse et que s’est-il passé ? Ils sont allés jusqu’à commettre les pires crimes en son nom ; ils ont exterminé les Parfaits cathares, pourtant non-violents, allant jusqu'à déclarer Saint l’ordonnateur de l’holocauste de Montségur…

A l’issue du débat sur l’éthique, qui dura plusieurs heures, l’Académie pangoline valida la proposition Mac Lavel et désigna cinq de ses membres pour en élaborer les modalités pratiques.

Les membres désignés par l’Académie pour piloter la diffusion du virus sélectionnèrent le VXL1, dont la virulence était modérée pour l’espèce sabétoune. Ils renoncèrent à en propager un de la série VXXL, la plus dangereuse, celle qui au dire de certains universitaires, aurait été la cause de la disparition de Néandertal.

Le mode de transmission du virus aux sabétous fut l’objet d’un long débat :

– Surtout, il faut que les sabétous s’imaginent que nous sommes à l’origine de la propagation du virus…

– Infectons un négociant de pangolins, un jour de marché…

– Ma femme est cobaye dans un labo de recherche pour cosmétiques, elle pourrait introduire le virus dans la crème anti-âge   

– Non… si une bourgeoise attrape le VXL1, personne n’imaginera qu’elle a été contaminée par un pangolin ! Il vaudrait mieux que ta femme contamine un expérimentateur qui travaille sur elle…

– Le labo P4 fait aussi des expériences sur des pangolins, on pourrait infecter un chercheur…

– Oui, mais nous ne pourrons jamais accéder là-dedans, c’est Alcatraz !

– Alors, profitons des fêtes du nouvel an pour nous déguiser en dragon et contaminer un chercheur de P4 qui  assiste au défilé…
– …

Enfin, les cinq se rendirent au laboratoire de l’Académie des sciences, où le virus était conservé à très basse température, afin d’en prélever quelques ampoules.

N’i a pas pro, prends-en mieux ! Insista un pangolin originaire du plateau ardéchois, qui trouvait que les charges virales prélevées étaient insuffisantes…

Comme prévu, deux chercheurs sabétous et un négociant de pangolins furent contaminés dans la ville voisine de Vuran.

Sans attendre les premiers résultats, le Président du Conseil intervint à la télévision pour annoncer les décisions prises au sommet de l’Etat. « - Nous sommes en guerre… », ses premières paroles stupéfièrent la population. ..Statistiques et graphiques à l’appui, ponctuant son discours de « nous sommes en guerre », il s’efforça de convaincre les pangolins que des mesures drastiques devenaient absolument nécessaires. D’un autre côté, afin de ne pas heurter le sens moral de ces braves bêtes, il ne s’étendit pas sur la stratégie qui avait été décidée pour lutter contre la malédiction, il évoqua, diplomatiquement, l’utilisation de « répulsif ». En conclusion, il demanda à la population de se terrer dans les cavernes, jusqu’à ce que le plan d’action montre ses premiers effets. Il prévoyait une forte baisse de l’activité des prédateurs dans les semaines à venir et envisageait la fin du confinement pour les pangolinades du nouvel an.

Dès lors, les académiciens suivirent attentivement la réaction des sabétous. Le plan semblait fonctionner comme prévu. Dans un premier temps, ces derniers attribuèrent la pandémie à un virus transmis par les pangolins.
Alors qu’ils étaient si prompts à se déplacer d’un continent à un autre, les sabétous fermèrent subitement les frontières de leur pays, comme les moules s’encapsulent dans leur coquille. La suite fut plus confuse, certains se confinèrent dans leurs chaumières, d’autres non ; certains se protégeaient avec des masques, d’autres affirmaient qu’ils ne servaient à rien ; certains pratiquaient le dépistage à outrance, d’autres le négligeaient. Même les scientifiques se contredisaient : un affirmait que la maladie ne dépasserait pas le stade de la « grippette », l’autre que le virus avait très peu de chance de franchir la frontière ; un autre encore alertait, en affirmant que les hôpitaux allaient être débordés…

Le fait est que la pandémie progressa et leur donna bien des tourments. En absence de vaccin et de traitement efficace incontesté, une nouvelle controverse vit le jour. Ceci à propos d’un protocole de soins, mis en œuvre par un professeur à blouse blanche. Assis au comptoir des plateaux de télévision, docteurs, éditorialistes, politiques et journalistes en costume, lui tombèrent sur le paletot :

– Ses essais cliniques ne respectent pas les procédures officielles… Il faut le suspendre de l’ordre des médecins !
– Y- en a marre des gens comme lui... qu’il ferme sa gueule !

– C’est un anticonformiste de l’établissement un peu déséquilibré psychiquement…

Quelle ne fut pas la surprise des pangolins en découvrant les propos de la crème des sabétous : Un professeur de médecine et un chercheur proposèrent de tester le vaccin du BCG sur les africains ; un dirigeant suggéra de traiter les malades par injection de désinfectant ; un Prix Nobel de médecine, affirma que le corona avait été  créé dans un laboratoire avec de l’ADN de VIH ; un dirigeant, qualifiant le virus de « chinois » semblait abonder dans ce sens, un autre déclara : "… et même il y a manifestement des choses qui se sont passées qu'on ne sait pas". Toutes ces réactions alarmèrent l’Académie pangoline, qui en conclut que les sabétous étaient une espèce encore plus inquiétante qu’ils ne l’avaient imaginé. Les affirmations relatives à la création du virus au laboratoire P4 de Vuran ne manquèrent pas de les tourmenter, car elles risquaient de ruiner leur stratégie.

Bref, la cacophonie était à son comble. En fait, les sabétous découvraient peu à peu que leurs bombes atomiques ne pouvaient rien face à un modeste virus d’un dixième de micron.

***

Les pangolins reprenaient goût à la vie ; restés confinés trop longtemps dans leur tanière, ils s’empressaient de rendre visite à leurs parents, à leurs amis, tout heureux de pouvoir se déplacer sans la crainte de se faire capturer par les sabétous. Enfin, la menace était temporairement écartée. Les pangolinades de fin d’année pourraient se dérouler à loisir. La jeunesse, en liesse, envahissait les sentiers forestiers à la recherche d’une taverne. Pour en trouver une, rien de plus simple, il suffisait de se laisser guider par le son des mélodies. Une multitude de groupes de musiciens jouant de la mangoline -sorte de xylophone à écailles- interprétaient les chansons du répertoire traditionnel. Devant l’affluence, les patrons de bistro avaient installés des tables et des chaises longues aux terrasses, ainsi les pangolins pouvaient s’allonger sur le dos tout à leur aise, même en plein jour. Trois étudiants, éloignés de l’université depuis plusieurs mois, fêtaient leurs retrouvailles :

Tavernier ? Une pression, et deux diabolos menthe, s'il vous plait !

Une jeunette pangoline, vêtue de court, s’avança pour servir les boissons,

Il est giron ce petit sommelier ! fit l’un,

– Ouaaah, pendant le confinement, elle a dû se faire bronzer aux UV

Et complètement à écaille, en plus !

– Elle est bonne, elle est bonne…

 A propos de bonne…  je suis sûr que cette bonne s’occupe aussi des courses…

–  Ah, ah !

Insouciance de la jeunesse…

Les plaisanteries allaient bon train ; on évoquait les lectures du temps du confinement ; l’ouvrage de Pierre Desproges, celui qui ridiculise le pangolin en le comparant à un artichaut à l’envers, les fit beaucoup rire.

La vie sociale reprenait ; pour autant, les pangolins n’étaient pas tirés d’affaire. Les dirigeants savaient que les chasseurs s’étaient abstenus depuis quelques mois, cependant, il convenait de rester vigilant et de préparer de nouvelles parades au cas où les sabétous feraient à nouveau irruption.

Le gouvernement du Pangolistan mit en place un service de guet, afin de sonner l’alerte en cas d’introduction d’un prédateur sur le territoire. Des miradors furent construits dans les arbres et les couples de pangolins devaient s’y installer à tour de rôle pour y monter la garde. Chaque binôme était invité à emporter ses provisions pour y passer la semaine, durée de la vacation. Même si male et femelle se relayaient, l’observation aux jumelles, des heures durant, finissait par donner mal au crâne. Les miradors étaient exigus et d’un confort spartiate, la lecture constituait la seule possibilité de détente. Quelques livres garnissaient la minuscule bibliothèque située à portée du hamac ; parmi eux, deux ouvrages traduits du sabétou : La Vachère et La Citée des fous.

Toutes ces contraintes faisaient, que parfois, les nerfs lâchaient et on a pu assister à de véritables scènes de ménage pour de simples broutilles.

Line était en faction quand son compagnon, Pango, commença son repas :

- Line, où as-tu mis le sel ?

- Je sais pas moi, j’en prends jamais, t’as qu’à le chercher…

- J’ai tout retourné, je ne vois rien…

Line, agacée, interrompit son observation et se rendit près de la glacière en disant :

- Toi, tu ne trouves jamais rien !

Confuse, Line dut se rendre à l’évidence, elle avait oublié le sel…

- Bah ! J’ai dû le laisser au terrier…

- Des fourmis, des fourmis, toujours des fourmis, y-en à mare ! Et sans sel en plus…

- Ecoute, Pango, si la semaine dernière, au lieu de glander devant la télé tu étais allé à la chasse aux termites, on aurait un régime un peu plus varié…

- Tu commences à me casser l’écaille, j’ai bien le droit de me distraire un peu !

Line, compris que la situation commençait à partir en vrille, son bon sens pangolin lui commanda de calmer le jeu. Elle présenta ses excuses à Pango, puis, encore toute déboussolée par cette regrettable altercation, elle murmura, comme pour elle-même : "Mais où sont passées les jumelles ?" »

FIN
AC
Avril 2020





Pendant le confinement…
L'Arbre vagabond lance un concours de nouvelles. Si cette idée vous tente, la première phrase de votre nouvelle doit être : L'enveloppe ne contenait rien d'autre. Quelque part, dans le cours du texte, on doit trouver : "Une pression, et deux diabolos menthe, s'il vous plait !" Enfin la dernière phrase de votre nouvelle doit être : Elle murmura, comme pour elle-même : "Mais où sont passées les jumelles ?"
Bar à vin et table gourmande, 43400 Le Chambon-sur-Lignon.





Du même auteur

Paroles de pagels – Patois du pays des sources de la Loire, auto-édition, 2014.
Aimé Grasset – Pionnier de l’aviation. Du mont Mézenc aux monts de Bohême, auto-édition, 2017.
Trois Dewoitine dans le ciel du Béage 19 juin 1940, auto-édition, 2018.
La Vachèira, édition en occitan, Nombre7 Editions, 2020.
La Vachère, édition en français, Nombre7 Editions, 2020.




samedi 21 mars 2020

La Vachère ; vie et Moeurs en montagne ardéchoise au XXe siècle / Livres


Présentation des livres


La vachèira (Occitan) / La vachère (Français)







     La montagne ardéchoise est connue pour ses beaux paysages ; partout dans le monde, on peut en admirer les images de photographes passionnés. Mais au delà de l’instantané, qui peut dire aujourd’hui ce que fut la vie des hommes et des femmes qui  ont vécu sur ces terres, en quasi autarcie, jusqu’au milieu du XXe siècle ? Une civilisation s’est évanouie en l’espace d’une vie… Effacée la langue historique du pagel ; effacé l’habitat traditionnel et l’exploitation de la ferme à la force des bras et des boeufs, effacées les mœurs, les coutumes et les croyances ancestrales…

     Thérèse, de la dernière génération de l’ancien monde, livre son témoignage, sa vérité intime… Les souvenirs de sa jeunesse, passée au Cros-de-Géorand, ont inspiré ce récit. Il évoque la vie d’une enfant « louée » pour garder les troupeaux, la difficulté d’entrer à l’école sans savoir parler français, la conduite de la ferme, l’influence de la religion dans la vie quotidienne, la condition féminine sur les hauts plateaux des confins de l’Ardèche et de la Haute-Loire...

Ci-après, successivement, quelques images illustrant le récit, la préface de l'édition en occitan, le sommaire en occitan, le premier chapitre en occitan ; la présentation de l'ouvrage en français, le sommaire en français, le premier chapitre en français ; enfin, les caractéristiques physiques des ouvrages et le bon de commande. 

Chaumière traditionnelle de la montagne ardéchoise. Ici, Philip au pied du Gerbier de Jonc, où résidait François Charre, ancêtre de l’auteur, en 1620.

Le barouo, mi-chariot, mi-traineau utilisé pour rentrer le foin


Chaufferette


Banquette de lavandière



OUVRAGE EN OCCITAN

Préface de l'édition occitane 

Prefaci

Aqu’es un onor de prefaciar una òbra tan rara coma aquesta d’aicí. Dins lo mond entièr se sap que la Montanha d’Ardecha es un país supèrbe. Pasmens quau pòt dire uèi que sap encara dau bòn çò que foguèt la vida de la populacion qu’amondaut, per de centenas d’ans, lai brolhava, viviá, amava, trabalhava, esperava ?
Luènh de tot imatge estereotipat, quand auretz legit La Vachèira entrò la fin seretz d’aqueus que ne sabon un pauc mai sobre la condicion umana e singularament sobre la vida de las femnas d’Euròpa, que l’Alan Chara chausiguèt d’escotar la paraula d’una persona que passèt tant vau dire d’un mond en un autre. Per o faire, pacient, prenguèt lo temps d’acampar los mots de la Mamà que o vouguèt ben gaireben tot contar. Tot ? Ò qu’aí ! çò que l’òm ditz, mai çò que l’òm ditz pas totjorn… E aquí chaliá trobar la bòna distància, sens ren garar ni mai escondre per gardar tota la fòrça dau testimoniatge, e amb tota la necessària rigor quand s’agís de se sarrar de l’intimitat d’una persona unica que baila sa veritat.
Chausiguèt mai l’autor de respectar la lenga d’aqueste país, pròva d’atencion rarissima, e lo parlar dès lo Cròs eissaièt mai de lo pas traïr. L’òbra ganha aquí per los amoroses de l’occitan quaucòm d’inestimable, que dins chasca frasa li chap aumens un diamant. E sovent mai que d’un.
Aquesta publicacion pòt donc servir d’exemple, que permet de restituïr la singularitat d’una persona e d’un temps dins los mots ont se passèt sa joinessa. Aquò farà conéisser en totes una realitat sociala e istorica per lo plaser d’aqueus que, per comprene los temps que se passan, o eissuèblan pas tot dau passat.


Denis Capian, Institut d’estudis occitans (Ardecha)


Sommaire de l'édition en occitan 

SOMARI

Mos parents, mon espelida
Lo Mont, mon ostau
Lo bestiau
Gardar a sièis ans
L’escòla
Gardar vèrs lo Mont
La guèrra 1939-1940, lojada vèrs Vernason
L’Ocupacion, 1940-1945
Menar una bòria
Lojada elh molin d’Aon e vèrs lo Gorièr
La religion 
Las velhadas, la tuada
Vida de femna 
Biais de viure 
La nòvia  


Premier Chapitre en occitan

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OUVRAGE EN FRANCAIS

Introduction de l'ouvrage en français



INTRODUCTION

  
Inspiré par ma mère, ce récit évoque sa jeunesse passée au Cros-de-Géorand, en Ardèche : témoignage sur une parcelle de vie dans la première moitié du XXe siècle, semblable à celle de bien des jeunes filles de la montagne.
Afin de ne froisser personne, les véritables patronymes et toponymes ont été remplacés. Il est vrai, que pour les gens d’aujourd’hui qui vivent dans la douceur, les gens du temps passé peuvent être perçus comme durs et austères ; en cela, il faut savoir qu’ils luttaient pour vivre et qu’ils le faisaient sans aide ni protection de l’état. Ils voulaient laisser à leurs enfants plus qu’ils avaient reçu de leurs parents. Nous pouvons leur reprocher bien des choses, mais pas leur lutte courageuse pour la vie. Il faut également savoir, que cette rudesse dissimulait un bon sens et une finesse d’esprit bien comprise des rayols*, qui affirmaient :

« Le pagel* est fin,
Il n’a de grossier que l’apparence »

Là-haut, sur le plateau, les temps ont bien changé depuis quatre-vingts ans ; aujourd’hui il y a de l’argent, les gens ne se nourrissent plus d’eau bouillie. Pour attirer les touristes, on couvre des ruines de feuilles d’or pour en faire des œuvres d’art. Que diraient les anciens s’ils voyaient cela ? Eux qui ne mangeaient pas à leur faim. Eux, qui avaient démoli les abbayes et emporté les pierres pour bâtir leur maison ; eux, qui payaient les genêts pour couvrir leur chaumière… Que diraient-ils, en nous voyant gaspiller l’électricité comme nous le faisons : trois lampadaires allumés par habitant, toute la nuit, pour illuminer les maisons du village ; eux qui s’éclairaient à la chandelle ? En voyant notre mode de vie, ils diraient que nous sommes devenus fous… et ils auraient un peu raison.

Ainsi, loin de moi l’idée de juger durement ces gens, mes parents, mes ancêtres…  Je sais que sans leurs sacrifices je ne serais pas né.

 Je remercie Françoise, mon épouse, pour son aide précieuse apportée lors de la relecture de cet ouvrage.  




NOTES

Ce livre est tiré de La Vachèira, ouvrage en occitan du même auteur. Sa traduction en français, souvent littérale, restitue les locutions et tournures de la langue occitane au détriment, quelquefois, du respect des règles de grammaire de la langue française.
Quelques mots occitans, dont certains sont passés dans le français régional, n’ont pas été traduits. En italique dans le texte, leur définition sera rappelée à la première occurrence :

Aïgue bulide : f. Eau bouillie que l’on sert en potage quand on n’a rien d’autre à manger. Servie salée avec un peu de saindoux.
Arcas : m. Appentis entièrement fermé, devant la porte de l’étable.
Balle : f. Sac de cent kilos.
Barouo : m. Char à petites roues pour le transport des féniers.
Boge : f. Grand sac en toile de jute.
Bombine : f. Ragoût de pommes de terre.
Bonne-laisse : f. Etrenne que le vendeur donne à l’acheteur afin que la bête vendue lui fasse profit.23
Bouringe : f. Drap de jute utilisé pour transporter du foin à dos d’homme.
Burle : f. Blizzard, tempête de neige.
Caille : f. Faucheur inexpérimenté.
Calades : f. Pierres de pavage.
Cham : f. Plateau dénudé.
Chanis : m. Herbe courte et fine.
Chareyre : f. Rue ; poutre maîtresse.
Chasèïre : f. Coffre dans lequel s’affine ou se conserve le fromage.
Chièr : m. Amas de blocs rocheux étalés à flanc de montagne. (Prononcer le « r »).
Cistre : f. Fenouil des Alpes.
Coulaïre : m. Grand entonnoir dont l’orifice est pourvu d’un linge qui filtre le lait.
Courades : f. Saucisses faites avec les poumons du porc.
Cousina : m. Soupe de châtaignes.
Couvige : m. Assemblée de dentellières.
Draille : f. Chemin non carrossable.
Fénier : m. Petite meule de foin.
Fresse : f. Gros fagot de branche que l’on traîne sur les prés pour émietter le fumier.
Gore : f. Vieille vache.
Lèitade : f. Petit lait ; liquide qui reste après le caillé du fromage.
Martelle : f. Ensemble composé d’un marteau et d’une enclumette, utile pour marteler la faux.
Miramande : f. Variété de fromage.
Niçol : m. Tubercules de canopode dénudé.
Pagel : m. Habitant de la montagne ; f. Pagele.
Paradis : m. Dans la cuisine, endroit où une petite planchette porte un crucifix, une Sainte vierge, quelques images pieuses et quelques fleurs.
Patche : f. Pacte, transaction, convention.
Queyrat : m. Habitation couverte en lauses.
Rayol : m. Habitant des vallées et de la plaine. f. Rayole.
Reboule : f. Fin de la saison des foins.
Sac : m. Enorme pierre volcanique à faces régulières.
Saïn : Mésentère du porc, saindoux.
Saladou : m. Coffre dans lequel on conserve les os de porcs dans le sel.
Sarrassou : m. Babeurre caillé.
Serre : m. Colline.
Suc : m. Montagne, sommet (le Gerbier de Jonc est un suc).
Tante : f. Vieille fille, marâtre.
Ténaï : m. Arbalétrier.
Tremèse : f. Céréale qui se cultive durant trois mois, du semis à la récolte.
Trempadou : m. Petite construction abritant le réservoir d’une source.
Trapou : m.Trappe par laquelle on fait passer le foin du fenil à l’étable.

Tuade : f. Sacrifice du porc.


Sommaire de l'édition en français


SOMMAIRE


Mes parents, ma naissance
Le Mont, ma maison
Le bétail
Garder à six ans
L’école
Garder au Mont
La guerre 1939-1940, louée à Vernazon
L’Occupation, 1940-1945
L’exploitation de la ferme
Louée au Moulin d’Haon et au Gourier
La religion
Les veillées, la tuade
Vie de femme
Mode de vie

La jeune mariée

Premier Chapitre en français


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...

...

...
...

Réactions

 « J'ai été émue au possible, voire les larmes aux yeux,  car j'ai reconnu la vie de ma mamée C..., de ma maman, et de ma soeur Paulette (née en 1934). J'ai reconnu la vie de ma mamée C… sur le plateau, louée avec les conditions que vous décrivez, la vie de ma maman, née en 1909 à Vernazon, mais qui a vécu aussi à Montgarnier et Riouclard et qui…
Il faudrait que vos livres soient lus dans les écoles et/ou collèges et lycées car les gens actuellement ne se rendent pas compte de la vie autrefois. Je connais quelques profs à qui je vais en faire part car ils méritent une large diffusion, et je ne le dis pas pour vous vanter, mais c'est la réalité ! Ne dit-on pas que c'est lorsque l'on sait d'on l'on vient que l'on sait où l'on va ? »
M.C. Mai 2020
===

« Je viens de finir ton livre commencé hier soir...je me suis régalée...beaucoup d'émotions...un seul mot...RESPECT...en le lisant je visualisais Thérèse racontant sa vie...Tu lui as fait un très beau cadeau.....Un bel hommage aussi à nos grands parents... »
C.T. Mai 2020
===
«  Un récit authentique qui nous fait prendre conscience de la chance que nous avons de vivre à notre époque, même si tout n’est pas parfait… Un livre très agréable à lire, qui m’a replongé dans l’enfance de mon père !!! Merci »
O.F. Mai 2020. 

===
j ai retrouvé bien des choses dont m'avaient parlé d autres chanteuses, 
incroyable que tout cela soit si près de nous 

Ch.O. Juin 2020

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C'est incroyable ! On évoque là le passé et l'on suit cette petite fille comme si elle nous contait ce qui est arrivé hier, voire ce matin. C'est vivant même si elle nous parle de gens, de choses disparues.
Et que dire de certaines réflexions, de quelques commentaires qui éclairent souvent des comportements, des réactions des gens d'aujourd'hui !
Bravo pour cette écriture vivante, précise, incisive et pourtant pleine de pudeur. Respect pour cette vie d'enfant, merci d'avoir fait revivre ce bout de terre et de temps qui semble bien plus vivant que bien des personnes et des tas d'endroits que je connais.
Je me suis régalé… Encore bravo !

G.A. Juillet 2020 

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" Tu as parfaitement saisi la mentalité collective, la dureté de la vie et les mœurs immuables de ce monde clos où le français n'est pas la langue maternelle . Tout est criant de vérité. Que dire de la condition féminine : Une chèvre broute là où elle est attachée ! 
Et toute différence peut engendrer la violence ! "

M-J. V. Juillet 2020

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« Ce fut un très bon moment de découvrir la vie de votre Maman, qui a vécu une enfance bien plus dure que nos vies d'adultes d'aujourd'hui....et à travers vous, elle en parle avec tellement de justesse et de sagesse, que pas un instant on s'ennuie, on aimerait même qu'il n'y ait pas une dernière page....Merci à tous les deux. »
Nadine M. juillet 2020

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C'est un excellent récit qui donne bien à imaginer la vie à cette époque. Et de plus il est très bien écrit et agréable à lire. 

F. V., août 2020

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c'est une source de première main, un très rare, pour ne pas dire unique, témoignage de la vie du plateau par une femme avec une vision féminine des choses et du coup l'évocation de sujets nullement abordés ailleurs, propres aux femmes (puberté, nuptialité, autorité et rapport homme/femme, début de féminisme) ou généraux (religion, vie quotidienne).

Un ouvrage à recommander vivement (et en patois, un vrai régal).

N.J., septembre 2020

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     L’ouvrage original, « La vachèira » est en occitan, langue maternelle de Thérèse. Sa traduction est livrée en version française (La vachère). 

Les deux ouvrages sont édités par Nombre7 éditions. Pour chacun d'eux :
216 pages, format 14,8 x 21 cm ; 17 euros.
Nombre7 éditions mail : contact@nombre7.fr



Disponible à :
Bar tabac presse, Sainte Eulalie (07)
FNAC, Aubenas (07)
Librairies



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